Le Musée Virtuel : une nouvelle fenêtre sur les marques

Le musée virtuel en est encore à ses balbutiements. Pourtant il est déjà porteur de solutions pour les entreprises désireuses d’un nouveau partage avec des clients, des passionnés, des étudiants. Et pour s’affirmer à travers une communication proche de leurs vraies valeurs.

Le tourisme industriel
Pour beaucoup, marier le monde du travail et la visite, c’est forcément aller vers :

  • Des écomusées, des musées traditionnels : immuables, les activités qu’ils exposent appartiennent souvent au passé.
  • Des musées de vieilles entreprises.

Le musée d’entreprise semble sous-entendre que l’entreprise est morte ou presque. Pourtant, il existe un vrai public pour l’entreprise : le public a soif de voir, d’apprendre. En 2006, 6,5 millions de personnes ont visité un site industriel selon Atout France.
Mais la visite d’entreprise pose de nombreux problèmes : sécurité des visiteurs, des employés, sécurité des produits, normes (surtout pour l’alimentaire), protection contre l’espionnage industriel. Et il faut aussi laisser le personnel travailler…
De plus, les entrepreneurs ont souvent envie d’aller plus loin que le tourisme industriel et l’idée de visite des ateliers.
Une entreprise, c’est l’impulsion d’une personne, devenue une aventure humaine, qui a souvent tissé des liens avec l’artisanat, qui a des savoirs à raconter et à partager. Au-delà de l’aspect métier, une entreprise c’est aussi une fierté personnelle, une action au niveau territorial, humain (bien souvent, l’entreprise est aujourd’hui citoyenne). Bref, c’est une œuvre à laquelle il ne manque plus que la sacralisation.

Le musée d’entreprise
Et, justement, selon Bernard Deloche, c’est le musée qui donne à l’art son caractère sacré. Notamment via toutes les interdictions autour de l’objet (ne pas toucher, ne pas photographier).
Mais le musée d’entreprise pose bien des problèmes lui aussi : il est souvent très cher, repose sur un site unique. C’est souvent le projet d’un homme : qu’en advient-il après son départ ? Le faire évoluer, le faire vivre sont également de vraies préoccupations pour des entreprises ou des marques qui se construisent continuellement.

Le musée virtuel
Le musée virtuel est la réponse à bien des maux énoncés. On peut en tout cas y voir la réapparition du musée déréalisé, du « musée imaginaire » d’André Malraux.
Le musée virtuel est né de la recherche de préservation et de conservation du patrimoine des musées. Leur évolution est passée par :
– Les microfilms et microfiches
– puis les CD-Rom et DVD-Rom (qui ont entrainé l’ouverture au grand public, l’idée de « musée à emporter » est arrivé à ce moment-là)
– et ensuite : Internet
Les premières grandes démarches sont donc issues du monde artistique. On peut d’ailleurs noter l’initiative de Google avec Art Projet depuis février 2011.
Viennent ensuite les sites – musées dédiés aux produits. Ils sont l’œuvre de passionnés, se présentent comme des collections en ligne, cf www.museeabsinthe.com
Sur les sites de marque ou d’entreprise, nous sommes maintenant habitués aux pages :
– chronologie
saga
– galeries (images, produits)

En-dehors de ces « pages historiques » des entreprises, on peut noter les efforts de quelques entreprises pour se hisser au rang de musée virtuel :

Une rubrique Histoire très enrichie, notamment lors des 200 ans : vidéos, présentation du livre, savoir-faire, modèles… sans oublier la galerie – chronologie de son symbole : le lion.

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Outre les galeries d’images des modèles, les biographies et temps forts de la marque, Audi propose également plusieurs vidéos.
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Et il est même possible de faire un rapide tour du musée réel grâce à une vision 360° de chaque étage.

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Son musée virtuel est de facture désuète. Il présente une galerie très classique, au charme suranné, des « produits dérivés » : sous-bock, étiquettes, plateaux, etc.

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Avec une organisation toute japonaise, la marque ne prend pas de risque quant à la navigation ou la nouveauté mais présente de belles galeries.

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Le site est en fait le pendant virtuel du musée réel. Les fonctionnalités sont simples, mais le tout est franchement tourné vers le savoir. Des photos légendées, de longs textes : une approche classique mais didactique.

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Du design à l’art, il n’y a qu’un pas. Roche Bobois veut se hisser au rang d’éditeur avec ce musée virtuel réalisé pour le récent anniversaire de la marque. Conçu comme une longue chronologie, il invite l’internaute à découvrir, par année, des pièces phares conçues avec des designers. Pour chaque objet, un petit texte et une photo apparaissent dans une fenêtre pop-up.

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La marque a misé elle aussi sur une présentation par la chronologie pour se raconter avec une image phare et un texte synthétique par date.

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La marque présente un univers tournant autour d’un véhicule phare pour chaque décennie. Mariant le noir et blanc et la couleur, l’entreprise et la communication, les textes, la photo et la vidéo, elle distille une atmosphère vivante et ludique à chacune de ses « époques ».

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L’entreprise propose un site riche, très dense, en constante évolution. Elle fait également siennes les thématiques globales de cet univers magique qu’est l’aviation. Elle illustre et annonce donc : les expositions, les soirées, les événements, une riche base multimédia et de très nombreuses thématiques (la ligne Paris-Dakar, les couturiers, Le Bourget, les hangars, etc.)

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Le site peut manquer d’attractivité et n’est pas simple à naviguer, mais le cinéma a cet attrait unique ! Gaumont a visiblement conçu ce musée virtuel comme l’ouverture au public de ses archives immenses, comme un partage donc.

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L’entreprise a bien compris le terme Musée. Elle en tire parti dans un site qui se visite comme un grand bâtiment. Cela manque d’attrait esthétique mais on ne peut que remarquer la précision et l’organisation des informations ainsi diffusées.

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Pour ses 125 ans, la marque propose une promenade virtuelle dans un endroit, mi-salon mi-boutique, dédié à ses produits dérivés, avec bien sûr un pan de mur consacré au Père Noël.

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Citroën prouve qu’elle a bien compris le concept de virtualité du musée. Elle sort donc des codes imposés des expositions classiques pour proposer un mur géant de photographies. Les quelques grandes thématiques ouvrent la porte à de multitudes de sous-thématiques. Pour chaque « tableau » sélectionné, une fenêtre s’ouvre sur un texte synthétique et une vidéo.

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La marque mise beaucoup sur ses Art Cars. Le site est petit mais est très attractif.

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D’autres marques sont allées un peu plus loin dans la réalisation de leur musée virtuel :

Ce musée virtuel a été lancé à la MoMa, à New York, en direct sur Youtube, le 5 décembre 2011. Anne Hathaway en était la marraine. Ce lancement était une véritable petite révolution dans le monde de la mode, mais pas seulement. Ce musée virtuel présente 5000 images d’archives, 18 espaces d’exposition, 200 vidéos de défilés. Il représente 50 ans de carrière du Couturier. Giancarlo Giannetti, le partenaire de toujours de Valentino et l’initiateur du projet, précise qu’il a fallu deux ans de travail et « beaucoup d’argent ». Par là, entendez : plusieurs millions de dollars.
Mais ce musée n’est pas un site : il s’agit en fait d’une application « stand alone » à télécharger et à déposer sur le bureau de son ordinateur. La révolution de cette application offerte par Valentino, c’est qu’il donne la possibilité d’une visite à travers ses archives, avec tous les avantages d’un musée véritable et les avantages de la virtualité : on y accède quand on veut, depuis son ordinateur (donc où on veut). La visite se fait seul, sans être gêné par la tête ou les commentaires d’un autre visiteur et gratuitement.
Le cube rouge est l’entrée symbolique dans l’univers de Valentino. Mettez plutôt un casque sur les oreilles, entrez : l’immersion est totale.

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L’application propose de réellement se promener dans les allées d’un espace immense (plus de 10 000 m2 auraient été nécessaires pour construire ce musée en dur). Tout est blanc ou noir, les reflets donnent une profondeur magique aux images. Et le plafond est une verrière qui laisse apparaître un magnifique ciel bleu avec quelques nuages blancs, pour nous plonger dans la douceur de vivre à la romaine. On peut aller et venir à sa guise dans les salles, voir les détails des robes présentées, accéder à des fiches ou des vidéos.

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Le seul regret de Valentino ? Que les robes, sur mannequin, soient de fait statiques, car les robes sont faites pour bouger et vivre avec les mouvements. C’est pourquoi les vidéos étaient pour lui vraiment nécessaires.

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Le visiteur peut choisir de se perdre dans les salles et leurs allées ou bien d’aller chercher des informations précises et exhaustives. Car l’architecture de l’application n’a rien laissé au hasard :
– le couturier propose ses propres thématiques (son duo avec Giancarlo Giannetti, les photographes, les illustrateurs, des thématiques « couture » comme le traditionnel rouge ou l’imprimé animal)

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– vous pouvez également utiliser le musée comme une bibliothèque multimédia, qui, très structurée, donne accès à toute l’information, les informations reliées (photos – fiches – star, etc.)

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Images, mouvements et même musique ou sons : le musée fait vivre au visiteur une véritable expérience sensorielle.
Et c’est là toute la force du Valentino Garavani Virtual Museum (tout juste abordée par BMW Art Car Tour et Coca-Cola) : la navigation. C’est une autre expérience, plus sensorielle, que la simple visualisation de textes ou de pièces mises en images.

Autour de son histoire et de sa célèbre Reverso, la marque propose un musée de facture classique très fourni et une originalité : la galerie collaborative. Chacun peut déposer la photo de sa montre, mettre quelques mots autour de son aventure avec elle. Et c’est ainsi que les possesseurs de la Reverso entrent dans la légende. Ce partage, cette interaction sont réellement des plus apportés par la virtualité d’un musée. Ils permettent de tisser un lien fort entre la marque et ses « fidèles ».

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Le musée Valentino, au contraire, est fermé. D’autant plus avec ce format « stand alone ». C’est comme un sanctuaire pour le travail du couturier, découvert mais protégé, partagé mais sacralisé. La limite sera celle du temps. Restera-t-il vivant s’il ne peut pas évoluer ? Giancarlo Giannetti a émis l’idée d’un blog. Est-ce vraiment suffisant ?
On se prend à rêver d’une possible suite à cette application, avec des mises à jours qui nous ferait découvrir : la création de nouvelles salles, de nouvelles thématiques en lien avec les tendances actuelles, des lettres des célébrités, des hommages d’autres couturiers… Et pour faire rentrer les clients, les visiteurs et les rêveurs dans ce musée de l’imaginaire de Valentino, pourquoi pas un livre d’or ?

Quoi qu’il en soit, le musée virtuel a de beaux jours devant lui, entre partage, histoire, passion et bien-sûr effet vitrine.

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