RICARD S.A. depuis 1932

Voilà 80 ans que Paul Ricard a inventé sa boisson anisée. Rien n’a changé dans la recette, mais la petite usine de l’époque a laissé place à un grand groupe. Comment la petite marque marseillaise s’est-elle imposée partout dans le monde ? Grâce à toutes les recettes de la communication. Une belle leçon de pub exposée au Musée de la Publicité.

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En entrant dans l’exposition, le ton est donné : ce sera jaune ! Le jaune typique, qui respire le soleil, de la marque Ricard. Dans toutes les salles du Musée de la Publicité, de grands îlots jaunes aux arêtes arrondies, reprenant les codes graphiques de Ricard, présentent les objets. Les murs sont laissés aux écrans. L’univers est donc déjà là.
Cette exposition est uniquement dédiée à la marque Ricard et donne la part belle aux actions de son créateur Paul Ricard. Défiant toutes les lois, il a puisé dans son imagination et sa créativité les ressorts nécessaires pour faire parler de Ricard.

La première salle est dédiée à l’art et au démarrage de la saga.

Le démarrage
Jeune adulte, Paul Ricard est passionné de chimie et étudie aux Beaux-Arts. Et il vit à Marseille. Le pastis y est une spécialité, mais fabriqué artisanalement, son goût n’est ni stable ni totalement satisfaisant. Paul Ricard crée sa propre recette en 1932, après un an d’expériences. Avec l’aide de son père, il construit sa 1e usine dans le quartier de Sainte-Marthe.

Les prémisses du succès
Les premiers congés payés, en 1936, vont l’aider dans son entreprise, puisqu’ils riment avec vacances – mer – soleil. Le succès est déjà prometteur.
Lorsqu’il crée sa boisson, Paul Ricard met tous les atouts de son côté.

  • Nom : il choisit d’avoir une marque éponyme.
  • Graphisme : il se différencie des autres anis (plutôt dans l’univers du blanc) et choisit le jaune et le bleu, qui évoquent le soleil et la mer, le mélange Ricard et eau.

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Le difficile héritage de l’absinthe
En 1940, la loi interdit les apéritifs titrant à plus de 16°. A la fin de la guerre, les dégâts causés par l’absinthe sont encore frais dans les mémoires : l’interdiction n’est levée que jusqu’à 40°. Pour le Ricard, le problème reste donc entier. Il faut attendre mai 1951 pour voir le rétablissement du pastis à 45°.

Les interdits
Si les textes de la première salle font largement référence aux diverses interdictions qui ont jalonné l’histoire de Ricard, c’est que Paul Ricard a fait face à de nombreuses contraintes visant l’alcool et la publicité, et ce bien avant la loi Evin. Son intelligence fut de faire une force de chaque contrainte, d’extirper toute sa créativité, d’impliquer davantage de réflexion et de volontarisme pour communiquer autour de sa marque.

L’art
« Lorsque l’éphémère de la publicité rejoint l’intemporel de l’art ».
Est-ce sa formation aux Beaux-Arts qui le pousse ? Paul Ricard noue des liens avec les artistes. Il les laisse chahuter sa marque si visuelle et populaire. L’îlot présente des créations de César, Christian Lacroix, Gerard Schlosser (ci-dessous). Un mur entier est occupé par le papier peint de Guy Lemon, sorte de découpage – montage de visuels publicitaires de marques utilisant le jaune, le bleu et le rouge. A vous de trouver Ricard dans ce dédale !

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Les communications
Les autres salles s’articulent autour de thématiques de communication :

  • Les 2 campagnes publicitaires historiques :

« Garçon, un Ricard ! » de 1939

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et « Un Ricard sinon rien » de 1984

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  • La créativité, l’efficacité dans les messages

Pour ne rien copier aux autres, Paul Ricard décide de tout faire en interne rapidement : publicité, affiches, objets. Il crée les objets en céramique avec des artisans marseillais. Cette diversité vient de sa volonté d’être massif pour être visible partout.

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  • La communication hors média

Les implications de la marque dans des événements sont tentaculaires. Tout commence par le Tour de France et la musique en 1948 : Ricard SA est alors la 1e entreprise à organiser une tournée de spectacles, avec Darcelys et Tino Rossi. Ensuite, la marque s’associe au cinéma, aux courses (la Transat en solitaire, l’automobile avec le circuit Paul Ricard), à la musique (Ricard SA Music Tour). Avant même que l’entreprise ne soit un groupe, elle se lance dans des actions plus corporate également, comme avec l’Institut Océanographique, en 1966, ou la Fondation Culturelle Paul Ricard en 1967.

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L’autre pan de la communication hors média, ce sont les produits dérivés. Le site Internet de Ricard annonce même que Paul Ricard était le pionnier de la communication par l’objet, dès 1932. Remettons les choses à leur place : il n’a pas inventé le concept puisqu’on a retrouvé des bagues souhaitant la bonne année autour de cigares dans l’Angleterre du 18e et que 1918 a vu naître le stylo publicitaire. Mais il est vrai que Paul Ricard n’a pas attendu les restrictions de la Seconde Guerre mondiale (propulsant ainsi les boîtes métalliques) pour proposer au public tous les objets relevant d’un apéritif Ricard réussi : brocs et cendriers, verres et carafes. Dans les objets dérivés Ricard, on trouve aussi tout pour le bar (plaques émaillées, sucriers, doseurs) ou pour l’outdoor (glacières, thermos, plaques pour tournois de pétanque, fanions, etc.).

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  • Le design

Le broc à eau, adapté pour retenir les glaçons, est un objet emblématique. Faire travailler des créateurs pour le design (donc pour un produit d’une entreprise industrielle) était risqué à l’époque. De la même façon, Ricard s’est vite lancé dans une autre initiative design : produire des séries limitées pour jouer la rareté et conforter le prestige de la marque. Ainsi en 1993 sort la série limitée « La Provence des Impressionnistes » avec les bouteilles aux décors sérigraphiés. Les séries limitées dans les alcools sont maintenant incontournables pour les événements calendaires de type Noël.

Les deux dernières salles « Nouvelle bouteille, nouvelle stratégie » (dédiée au nouveau design de la bouteille Ricard, datant de 2011) et « Respectons l’eau » (campagne publicitaire de 1999) sont plus décevantes.

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Avec cette exposition, on comprend combien Paul Ricard a été inventif et a su utiliser tous les ressorts de la communication et des relations publiques pour construire un univers de soleil, vacances et détente pour sa marque. Lorsqu’il la quitte en 1968, la société est leader mondial de l’anis.
Le site Ricard parle de lui comme d’un pionnier et d’un visionnaire, bien sûr. Pourtant, il n’a pas inventé l’objet publicitaire comme vu précédemment. Il n’a pas inventé la presse d’entreprise non plus (Catherine Malaval, dans « La presse d’entreprise française au 20e siècle – Histoire d’un pouvoir », a mis à jour plus d’une centaine de journaux d’entreprise datant d’avant 1939). Mais il était combattif et a su s’approprier toutes les bonnes idées rapidement et même les imposer au grand public.

Il faudra sortir de l’exposition pour s’intéresser davantage au personnage et apprendre sa combativité pendant la Seconde Guerre mondiale. Il se lance dans la culture du riz en Camargue et rachète une source d’eau minérale en Ardèche. Rapatriant le matériel ainsi que les employés de son usine, il exploite l’eau et distille les fruits en alcool pour fournir le maquis en carburant. Ces actions visaient aussi à éviter le STO à ses employés. Cette préoccupation de l’humain dans l’entreprise restera visible dans les années suivantes.

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Combatif, déterminé, homme public, l’homme de communication décrit dans cette exposition était avant tout un entrepreneur dans l’âme. Une belle histoire à découvrir encore sur le site www.ricard.com et http://www.ricard.fr/fr/saga.html

A découvrir aussi, les affiches Ricard pour son anniversaire :

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Ricard S.A. depuis 1932
Du 29 mars au 26 août 2012
Les Arts Décoratifs
107, rue de Rivoli
75001 Paris

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Photos et illustrations : Ricard S.A., Les Arts Décoratifs et SB

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