Le rebelle assagi : L’Eau sauvage de Dior

Dior a choisi Alain Delon pour incarner un des grands classiques de la parfumerie française : l’Eau sauvage. Ce n’est pourtant pas la star septuagénaire qui est mise à l’honneur dans cette campagne mais bien le jeune Alain Delon, au sommet de sa séduction à 31 ans…

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Le cliché du photographe Jean-Marie Périer, pris en 1966 à Saint-Tropez, vient souligner l’intemporalité d’un parfum créé par Edmond Roudnistka, la même année. L’objectif de la campagne est de toucher à la fois le cœur de cible par la nostalgie d’une époque révolue, mais également les plus jeunes attirés par l’audace et l’irrévérence du « mythe » Delon. « Cette image n’a pas vieilli et va nous permettre de toucher à la fois les hommes qui se souviennent de Delon à cette époque et une clientèle plus jeune qui sera séduite par son côté insoumis, irrévérencieux ».

Loi Evin et image de marque obligent, la cigarette de l’acteur a été effacée pour livrer une image plus policée, vision paradoxale où le passé est glorifié dans l’oubli de ses aspects les plus dérangeants. Si l’accessoire indispensable de la panoplie du rebelle est gommé, la filiation et l’ancrage historique sont quant à eux réaffirmés. Nous découvrons, en effet, sur le mini-site consacré à l’univers de la fragrance le mythe fondateur de l’Eau sauvage : mai 68. La création du parfum s’inscrit alors dans une période où la jeunesse est dite décomplexée ou éprise de liberté tandis que souffle un vent de renouveau dans le monde entier…1966 devient « l’aube de 1968 »…

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Afin de marquer encore plus fortement cette filiation avec les années 60, la musique du film publicitaire pour l’Eau sauvage, le morceau « A beautiful Mine » du musicien RJD2 est identique au générique de la très tabagique série Mad Men (2007, AMC). Avec cette campagne, Dior s’inscrit dans l’Histoire et marque son attachement aux valeurs véhiculées par mai 68. Parfois qualifiée de « révolution manquée » par l’historiographie, il s’agit en fait d’un repli vers une période rassurante et confortable : les Trente Glorieuses. Le parfum devient initiatique pour les plus jeunes, comme un symbole de passage à l’âge adulte pour les jeunes hommes (il est d’ailleurs souvent offert comme premier parfum) et cadeau mémoriel pour les plus âgés, comme un souvenir d’une jeunesse masculine « irrévérencieuse, conquérante mais toujours élégante ».

Dior poursuit le tournant amorcé depuis les années 2000 où la saga publicitaire de l’Eau Sauvage se personnalise, à la recherche d’icônes masculines capables d’incarner avec justesse le mythe. Après les affiches de Gruau (de 1966 à 1987) présentant souvent l’homme dans l’intimité de sa salle de bains et toujours séducteur, vint la décennie des mannequins anonymes, bras croisés dans une ambiance de vestiaire pour passer enfin aux stars fictives ou réelles révélées par le col roulé et la signature « Méfiez-vous de l’eau qui dort ». Zidane (1999), suivi de Johnny Halliday (2000) puis de Largo Winch et Corto Maltése (2001-2002) ont ainsi incarné les valeurs de virilité, de mystère, de force et de douceur de la fragrance.

Avec ce Delon idéalisé et le changement de signature « l’Eternel masculin », l’Eau sauvage réaffirme son statut iconique et intemporel. D’autant plus que le design du flacon, créé par Pierre Camin n’a pas changé de forme depuis sa création. Inspiré directement de la flasque, un accessoire masculin au fort pouvoir évocateur : du gentleman anglais à la Prohibition, le flacon lui-même coiffé du dé à coudre de M.Dior est un symbole de rébellion.

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