Urban Art Box : célébration artistique des 30 ans de Shiseido en France

Urban Art Box, sous-titrée « Exposition artistique de Ginza à Saint-Germain des Prés », vient de se terminer.
Petite présentation pour ceux qui l’auraient manquée.

Lipart1967.jpg
Lip Art – 1967

Cette exposition a été organisée par Shiseido à l’occasion de ses 30 ans d’implantation en France. L’exposition était orchestrée autour des « Windows art » de Ginza.
Explications :
Ginza est un quartier de Tokyo. Le temple du shopping et du chic japonais. Gin (argent). Za (lieu). Un nom prédestiné, pour un quartier que l’on compare à la 5th avenue de New York. Les « Windows Art » sont une initiative historique de Shiseido : une exposition d’art plastique installée dans la vitrine du rez-de-chaussée de l’immeuble qui fût le siège originel de Shiseido.
L’exposition à Saint-Germain des Prés était organisée en deux parties. En extérieur, 6 « boîtes » de plexiglas géantes présentaient chacune une œuvre en volume. 6 artistes plasticiens résidant en France, choisis par un jury de personnalités de l’art « parrainé » par Jean-Charles de Castelbajac, étaient ainsi invités à exprimer une évocation poétique de la beauté. Le but ? être celui qui réalisera une « Windows Art » à Ginza !
A l’intérieur de l’Hôtel de l’Industrie, l’exposition était complétée par une mise en scène de 30 visuels de « Windows Art », des années 60 à nos jours.

Joyfully_2009.jpgJoyfully – 2009

Waterproof1983.jpgWaterproof – 1983

Les visiteurs étaient invités à voter pour leur artiste préféré, parmi les 6 œuvres de l’extérieur. Les internautes pouvaient également voter sur le site de la marque. Le résultat sera dévoilé cette semaine.
Dernière information sur ces votes : chaque bulletin déposé par les visiteurs sera crédité pour l’opération menée par Shiseido pour la Fondation Hôpitaux de Paris des Hôpitaux de France, visant à l’amélioration des conditions de vie des personnes âgées.
Drôle de mélange tout ça ?

Certes. Et pourtant, tout a un sens si on s’intéresse à l’univers Shiseido.
A-t-on en France une juste perception de ce que représente cette maison ? Pas sûr… Car en vérité, l’ampleur de Shiseido est énorme. C’est un empire, construit par la dynastie Fukuhara, probablement la plus ancienne entreprise de cosmétiques au monde, en tout cas la plus grande au Japon. La marque de cosmétique est assortie de Shiseido Fine Chemicals, Shiseido Sodium Hyaluronate, Kirana Spa (un spa près de Bali), un restaurant français à Ginza : L’Osier. En France, pour ne citer que notre territoire, Shiseido a deux sites de production à Gien et dans le Val de Loire et détient 100% de Carita, les Laboratoires Décléor et France BPI (Beauté Prestige International). En plus de ces activités industrielles et commerciales, Shiseido est à l’origine de nombreuses actions dans le monde de l’art, dans la protection de la planète (citons notamment le Shiseido Earth Care Project), pour le respect des hommes (les actions en faveur des personnes âgées et les codes de l’entreprise en sont l’illustration).
Si ces activités semblent très éparpillées, une grande logique traverse pourtant cet empire. Tout provient du grand héritage de la maison : l’histoire étonnante des fondateurs qui furent des visionnaires, le brassage de la culture (des cultures) et de la technologie. L’histoire de Shiseido est comme une grande toile tissée lentement et dont le motif ne se révèle qu’à son terme.

Tout commence à la fin du XIXe siècle. En 1868, le Japon ouvre ses frontières. Les japonais ont soif de modernité et découvrent les innovations du monde avec une envie mêlée de crainte. Dans ce contexte, Arinobu (Yushin) Fukuhara, ancien chef pharmacien de la marine, met en place un projet avant-gardiste. En 1872, Ginza est détruit par un grand incendie puis reconstruit en briques rouges. Cette architecture au style occidental lui vaut le surnom de « nouveau Londres ». C’est cette année-là et dans ce quartier que Arinobu Fukuhara installe la première pharmacie de type occidental. Il sépare ainsi le médical des soins et propose une alternative à la médecine traditionnelle. Il n’a alors que 23 ans !

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En 1888, il lance la première pâte de dentifrice, encore une révolution.
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Et il entre dans l’univers des cosmétiques en 1897 avec le lancement d’Eudermine.
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En 1900, il se rend à l’Exposition universelle et découvre Paris. L’amour de la capitale française se transmettra de génération en génération dans la dynastie.
Le deuxième pilier de la dynastie est son fils, Shinzo Fukuhara. Jeune adulte, il est passionné d’art, peinture et photographie. Mais la mort d’un de ses frères et la maladie de l’autre font de lui le seul héritier possible de l’entreprise familiale. Sa vocation artistique est donc contrariée. Pourtant, il ne boude pas l’héritage familial, au contraire. Sa vie et son œuvre résument à elles seule cette particularité japonaise admirable de savoir marier traditions (et respect des aînés) et ouverture sur le monde, modernité, évolution.
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Il entreprend donc des études de pharmacologie, part aux Etats-Unis étudier à l’université de Columbia puis travailler, notamment en cosmétologie, et s’en sort toujours avec les honneurs.
En 1913, il s’offre une parenthèse et effectue un séjour à Paris. Il y réalise de nombreuses photos et rencontre des artistes compatriotes.
De retour à Tokyo et investi dans l’entreprise familial en 1914, il crée les « Windows Art ». L’idée ? Offrir aux passants un moment de plaisir visuel, une œuvre jouant avec les codes esthétiques et culturels. Il construit l’espace de la vitrine pour qu’on puisse admirer les œuvres depuis 3 points de vues différents. La vitrine 3D est née ! Et il y installe un éclairage permanent. La vitrine est donc visible de nuit. C’est une première au Japon et le tout Tokyo s’y presse de jour comme de nuit.
En 1916, il devient président de Shiseido. Il crée un département cosmétique et invite des artistes japonais rencontrés à Paris à travailler pour son bureau de création. Il leur confie notamment la conception et l’installation des Windows Art. Ce bureau deviendra le Département Design de Shiseido. La recherche fondamentale sur l’art au sein de l’Entreprise était ainsi créée !
A partir de 1919, dans ce qui deviendra sa galerie, Shinzo Fukuhura présente des displays de produits. Mais lorsqu’il n’a pas d’actualité, il commence à présenter des œuvres artistiques. Il interviewait lui-même les postulants et prenait la décision de laisser l’artiste exposer dans son espace. C’est aujourd’hui la Shiseido Gallery, la plus ancienne galerie au Japon. Elle a vu plus de 3000 expositions. Située désormais au sous-sol du bâtiment Shiseido, elle dispose de 5 mètres de hauteur sous plafond, ce qui fait d’elle un espace d’exposition unique à Ginza pour les artistes.
Mais au-delà de la recherche scientifique et technique, au-delà de sa passion pour l’art et la beauté, il n’oublie ni les hommes ni ses valeurs. La charte Shiseido puise d’ailleurs toujours ses fondements dans les 5 principes Shiseido, qui date de 1921 : des principes de recherche de rêve pour les consommateurs et de respect de tous ceux avec qui ils travaillent.

La 3ème et dernière grande figure de la dynastie est Yoshiharu Fukuhara. Il présente un caractère bien différent de ses prédécesseurs. Ses qualités fondamentales seraient plutôt l’empathie, l’éthique : le respect des employés, des clients, de la terre.
C’est lui qui établit Shiseido France en 1980. Revenu à Tokyo, il occupe le poste de Président de Shiseido de 1987 à 1997. Lorsqu’il prend ses fonctions, il trouve une entreprise un peu endormie dans ses lourdeurs administratives. Son souci du bien-être de chacun tombe à pic. Après Yushin le visionnaire et fondateur, Shinzo l’esthète audacieux, Yoshiharu est le conteur de l’entreprise, d’après la « Lettre Mensuelle » (Portraits croisés du 16 avril 2005) – La Lettre Mensuelle est une publication de la CCI Française du Japon. Il est déroutant de noter que c’est justement à partir de cette période que l’histoire illustrée de l’entreprise (sur les sites français et US) devient beaucoup plus prosaïque. Mais c’est peut-être juste le reflet de notre société si mercantile…
Aujourd’hui, Yoshiharu Fukuhara est Honorary Chairman.

Au cours de la vie de cette entreprise, la dynastie a donc tissés de nombreux liens entre la recherche, la technologie, l’art, l’esthétisme, le respect… et la France. Après la découverte de l’histoire, on s’étonne presque de ne fêter « que » les 30 ans de Shiseido France. Dans son interview pour Les Echos du 27/09/10, Shinzo Maeda, l’actuel président de Shiseido explique qu’en effet, la France n’est qu’un petit marché pour cet empire cosmétique. Mais il est aussi culturellement important. Et la France est toujours aux yeux des japonais la plus belle vitrine cosmétique et parfum au monde.

Photos : Shiseido

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