Retour sur « Le Dessin du Geste »

Du 11 septembre au 10 octobre, l’Hôtel de Ville de Paris présentait une exposition qui magnifiait le savoir-faire des manufactures françaises. Elégance et discrétion.

Le dessin du Geste

Photo : Sophie Zénon

Cette exposition était certes assez courte et petite, sobre aussi, mais elle ne pouvait pas laisser indifférent. Quelques pièces exposées par manufacture, peu de légendes, des photographies (portraits d’hommes en couleur sur fond noir) amenant la dramatisation de ce geste. Et deux films. L’un présentant les images brutes, sans commentaires, de ces fabrications. L’autre, sous forme d’interviews successives. Images d’un côté, paroles de l’autre. Toutes ces propositions laissant le visiteur libre de ses émotions, de l’organisation des informations dans sa mémoire, de ses analyses et synthèses.

Cristofle

Dans son titre-même, l’exposition donnait le ton : l’objectif du geste (dessein) devenant image et beauté (dessin). Actuellement, dans les expositions et initiatives des entreprises, le thème du geste est récurrent. Longtemps oublié au profit d’icônes ou d’images, il effectue un retour en grâce qui implique aussi le retour de la valeur travail et la valorisation du savoir-faire manuel.

La matière
La 1e notion qui accompagne cette thématique c’est le concret, la matière. Le toucher est capital. Le travail des artisans implique un contact constant avec la matière.
Conséquence logique de ce retour du concret, l’usage de l’objet redevient une préoccupation majeure. L’objet ne peut pas être juste beau. Son objectif premier est qu’il « accomplisse son travail ».

Le temps
La 2e notion qui vient nous surprendre, c’est celle du temps. Ici, la patience est de rigueur. Le temps est un élément de la recette. Il doit être pris pour accéder à l’excellence. Il ne peut être comptabilisé et n’entre pas dans les logiques productivistes de la majorité des industriels d’aujourd’hui.

La transmission
La 3e notion est la transmission. Transmission d’un savoir-faire, d’un artisan à l’autre. Transmission d’une idée, d’une valeur, d’une passion à travers l’objet lui-même. Cette transmission, cette fois de l’artisan à l’utilisateur, est une histoire d’amour sans parole, sans trace, sans explication, qui rend le savoir-faire mystérieux et magique.

Les régions
L’exposition remet également sur le devant de la scène la campagne, la province. Ce sont l’histoire et les spécificités des régions qui ont donné naissance à ces compétences et savoir-faire particuliers. Dans le contexte uniformisant de la mondialisation, le retour à des traditions qui sont à tort assimilées à la ruralité peut paraître anachronique. Il est en fait plutôt salvateur.

L’amour
Enfin, et finalement surtout, c’est l’amour du métier qui se lit partout. Le métier est à bien distinguer du « travail » ou des compétences. D’ailleurs, en-dehors de l’artisanat, où parle-t-on encore de métier ?
Ces artisans ont un métier qu’ils ont appris, qu’ils aiment, qu’ils font évoluer en intégrant les techniques d’aujourd’hui, qu’ils challengent en se confrontant et en collaborant avec des designers.

Saint Louis

Cette mise en lumière de manufactures françaises avait donc une portée profonde. Les photographies de Sophie Zénon laissaient percevoir, à travers la chorégraphie des gestes et la profondeur du noir de fond, le mystère et l’énergie de cette transformation de la matière par une main consciente de l’homme, tendue par un idéal de perfection et de beauté. Et si Anne Lhomme, directrice artistique de Saint-Louis, nous parle de ces artisans comme des « hommes initiés », ce n’est pas par hasard.

Ateliers de Paris

 

Ligne Roset

 

Roger Pradier

Pleyel

Photos : SB

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